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Une histoire personnelle du jazz par Martial Solal, du clavier de son instrument à celui de son ordinateur

Sonore déclaration en guise d’exergue à Mon siècle de jazz. L’autobiographie de Martial Solal, publié par Frémeaux & Associés (160 pages, 20 euros) avec une préface d’Alain Gerber : « Je n’écoutais jamais de disques, écrit le pianiste, compositeur, arrangeur et chef d’orchestre. Je ne voulais ressembler à personne, même à ceux que j’admirais. Je me sentais isolé, mal-aimé, prétentieux, j’étais celui qui n’avait rien compris, celui qui ne jouait pas comme X ou Y, que je n’appréciais pas moins pour autant. J’avais des progrès à faire, c’est certain. J’estimais n’être qu’au début d’une longue route. Mais j’étais heureusement mon meilleur critique, conscient de mes faiblesses, mais confiant en ce que je comptais fermement devenir. »
C’est un siècle de jazz, le sien, sa longue route vers la perfection, pas moins. Un petit livre allègre, vif comme une flèche. Un récit peuplé des plus grands musiciens de la Terre, qui vous prend à l’improviste car on ne s’y attendait pas : voici l’autobiographie « véritable » de Martial Solal, à sauts et à gambades, sans souci de la chronologie, il s’en vante. Seule ambition : mentionner tous ses partenaires (un exploit !) et tricoter une histoire personnelle du jazz.
Depuis André Hodeir (1921-2011), son compagnon de route, de science, d’intelligence et d’humour, la vie et l’œuvre de Martial Solal, né à Alger le 23 août 1927, ne manquent ni de commentaires savants ni d’exégètes brillants. « La “solalologie” tient sa légitimation de l’entrée de Martial Solal dans la collection The Quintessence, qui a le statut de Pléiade. » Dixit l’inventeur de la collection. Vu la qualité de l’édition et de la glose (Gerber et Tercinet), Frémeaux n’exagère pas. A 95 ans, il le lance dans la version écrite de son autobiographie musicale.
On découvre un Solal ingénu, gourmand, fidèle en amitiés musicales (Lee Konitz, Jean-Louis Chautemps, Eric Le Lann), passionné de ce jazz dont il apprend le nom enchanteur à Alger, pointilleux sur les souvenirs de club et les questions de cachet. Solal se souvient de tout et retrace factuellement son apprentissage, d’orchestres modestes à la reconnaissance universelle. Celle des classiques et des musiciens américains, dès sa première invitation au Festival de Newport (Rhode Island), en 1963.
Lors de notre rencontre, nous l’interrogeons. Que souhaitait-il donc ajouter aux livres qui l’ont déjà célébré ? « Je voulais ajouter aux entretiens mes impressions personnelles, mon vécu, un certain nombre de noms qui me sont très chers, et il en manque encore tant ! J’ai écrit un peu vite. Le clavier de l’ordinateur appelle les fausses notes. Ça m’a épuisé. J’ai plein de regrets, évidemment. » Sviatoslav Richter, Samson François, les grands solistes classiques, l’ont admiré : « Je crois qu’ils étaient impressionnés par l’absence de partition. Mais la partition, dans l’improvisation, elle est là, intérieure, résulte d’un travail considérable, avant ce saut dans l’inconnu, dans le non-savoir, comme on se jette à l’eau. »
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